CHAPITRE IX

Lhoa s’installe à l’arrière de la voiture et s’endort presque tout de suite. Moi, je prends place à l’avant. A côté de Gordon, l’officier de liaison que Tedder a mis à notre disposition.

Comme nous nous mettons en route, le bombardement reprend ; mais, dans notre secteur, il n’est vraiment pas très violent. Quelques bombes à l’entrée du défilé dont nous nous éloignons à grande vitesse.

La coupole riposte juste comme nous prenons un virage sur la mauvaise piste. Nous sommes terriblement secoués, mais Gordon en a vu d’autres. Il n’en est pas à sa première campagne.

Tout en conduisant, il m’informe des dernières dispositions que mon frère a prises hier dans la soirée.

— Nous avons reçu l’ordre de placer les robots combattants en première ligne, sans nous appuyer, sur eux… Partout où les postes font face à la plaine, ils sont en avant-garde, mais la vraie résistance n’est prévue qu’au second échelon doublé.

— Donc, les Tolks n’ont bénéficié d’aucun effet de surprise. C’est le principal.

— Et, partout, les ripostes se feront en profondeur. Avec un peu de chance, elles mettront peut-être des neutraliseurs en l’air, ce qui peut permettre des contre-attaques de robots.

Plein d’enthousiasme, Gordon ! Je me demande s’il sait exactement où nous en sommes. C’est-à-dire que la débâcle de nos escadres ne permettra sans doute pas aux Terriens de s’accrocher dans le système de Grenot, ce qui signifie que vainqueurs ou vaincus nous ne reverrons jamais Terre O.

Vainqueurs ou vaincus… De toute façon, il n’y aura que de rares survivants… qui se feront absorber par la masse des indigènes de Bolkar qu’une nouvelle génération de prêtres incitera à l’abandon.

Ça me révolte. La résignation de Lhoa m’exaspère.

 

A partir de la seconde ligne de défense des montagnes qui n’a pas encore été sollicitée par l’offensive des Tolks, nous avons des nouvelles des premiers engagements.

L’effet de surprise a joué contre nos ennemis qui étaient certains de voir s’écrouler tout notre dispositif au premier choc, partout où ils pouvaient neutraliser les robots-combattants.

Au lieu de cela, ils ont été brutalement stoppés par les points d’appui et ils ont subi des pertes énormes. Ils n’ont d’ailleurs pas utilisé leurs neutralisateurs partout. Beaucoup de défilés n’ont même pas été attaqués, sauf par l’aviation.

— Ils comptaient faire une trouée et remonter jusqu’aux vallées interdites, sans occuper toutes les montagnes, murmure Gordon.

— En tout cas, nous n’avons été enfoncés nulle part.

— Seulement, il ne nous reste plus d’aviation… Les quelques appareils dont nous disposions ont été balayés au cours de la première attaque.

Cela rend notre progression vers le quartier général de plus en plus difficile, car nous devons souvent attendre qu’on nous ait déblayé le chemin avant de poursuivre notre route.

Plus grand que moi, Allan. Une carrure d’athlète. Le visage ouvert, franc, avec un menton volontaire. Un regard étonnamment inquisiteur. Des cheveux noirs, lissés en arrière. Une cicatrice ancienne en travers de la joue droite…

D’abord, il m’examine des pieds à la tête, puis il sourit en m’ouvrant ses bras :

— Content que tu sois là. Ray… et, en même temps, je le regrette, car nous sommes sans doute voués à une fin obscure…

Avec un rire aigre, il me repousse puis se tourne sur Lhoa :

— Ray m’a tout expliqué dans le message que vous m’avez fait parvenir… Je me demande encore comment… De toute façon, il vaut sans doute mieux oublier le passé une fois pour toutes.

Nous sommes dans son poste de commandement au troisième niveau du quartier général. Il nous désigne des fauteuils et lui-même s’installe derrière son bureau, à droite d’un monumental écran tridimensionnel semblable à celui du Névada.

Celui-ci donne toutes les positions au sol et un seul coup d’œil me suffit pour comprendre que le déséquilibre des forces est considérable, bien que les premières lignes ne soient pas encore enfoncées.

Allan a une moue désabusée.

— Actuellement, nous livrons des combats de retardement, mais ils sont sans espoir… Nous sommes fichus si nous ne découvrons pas très vite le cirque de Pascamayo.

En disant cela, il se tourne vers Lhoa.

— Dans son message, Ray m’a dit que les Tolks ne respectaient plus les temples… La partie, telle que vous la rêviez, est perdue aussi… Vous voilà obligée de choisir entre deux envahisseurs.

— Mon choix est déjà fait, colonel… Je ne serais pas ici, sans cela… Malheureusement, je ne sais rien. J’en connais certainement moins long que vous et l’Algar en chef sur le cirque de Pascamayo… et il nous faudrait beaucoup de temps pour confronter ce que nous savons.

— Beaucoup de temps…

Allan se lève et nous désigne l’écran.

— Du temps, nous n’en avons plus… Nous voilà acculés.

— A qui la faute ?

Je n’ai pas pu m’en empêcher. Allan me regarde d’abord avec surprise, puis il sourit :

— Ah ! oui… Tu ne sais rien… Tout a marché de travers depuis la mort de Denidoff… Lowel n’a sans doute rien compris aux instructions qu’il avait certainement laissées… Il n’y a rien compris ou il les a jugées absurdes…

Son regard durcit.

— Helmon ne devait pas s’incruster autour de Bolkar.

— Il te protégeait.

— Ridicule… Les Tolks n’auraient jamais osé m’attaquer tant que l’issue de la bataille de Syra serait restée indécise… et elle le serait restée encore longtemps si Helmon y avait participé avec son escadre et si Lowel n’avait pas essayé de la gagner à tout prix.

— Quoi ?

— Helmon, à Syra, la bataille pouvait y durer des années… Le temps dont j’avais besoin pour percer le secret des vallées interdites… C’est ce qui avait été prévu avec Denidoff… Enfin, passons… Dès qu’on a jeté les dés, on ne peut plus que s’incliner devant le résultat…

— Tu croyais à la légende du Sar Gamir… Le grand amiral Denidoff aussi et sans doute le Conseil suprême avec vous… mais pas Helmon… Pas Lowel, non plus… Ceux-là te prenaient pour un fou.

— Bien sûr… Seulement, si je leur avais donné des preuves, je les aurais fournies aux Tolks par la même occasion… sous forme de renseignements qui auraient pu être décisifs.

— Car, toi, tu avais des preuves ?

— Naturellement, fait Lhoa… L’Algar en chef aussi a des preuves… Comme moi… et ce ne sont pas les mêmes… Votre frère connaît les miennes, colonel… Le translateur et le guide…

Ce quelle nomme le guide, c’est l’équerre qu’elle jette devant Allan…

— Donnez-moi les vôtres… Je les comprendrai peut-être mieux que vous…, car le Sar a certainement laissé sur Bolkar le fil conducteur.

Mon frère hoche la tête. Il hésite, mais, sur l’écran, plusieurs de nos positions viennent de céder et, dans une des vallées d’accès, ce sont déjà les secondes lignes qui supportent le poids de l’offensive des Tolks…

C’est sans doute ce qui le décide :

— Un jour, dit-il, dans l’espace, je me suis trouvé en face d’un vaisseau-fantôme… Je dis fantôme, car il dérivait sans équipage depuis des siècles…

Son sourire se fait rêveur :

— D’après la position des étoiles dont j’ai retrouvé des cartes à son bord, ce vaisseau dérivait ou plus exactement tournait en rond depuis près de six mille ans… Ça doit correspondre à quelque chose, pour vous, Lhoa ?

— Oui… six mille trois cent quarante-deux ans de temps réel nous séparent de la mort du Sar Gamir… Naturellement, nous avons toujours laissé entendre que c’était infiniment plus vieux.

— Naturellement…

Mon frère a un ricanement, puis il reprend :

— Le vaisseau était intact. Propre et net, car, depuis la mort du dernier homme d’équipage, des robots le tenaient en état… Ces robots m’ont accueilli à bord. Je ne les comprenais pas et je ne pouvais pas les commander, mais, pour eux, j’appartenais à la race des maîtres…

Je m’écrie :

— Ce qui signifie que ceux qui ont conçu ce vaisseau, il y a six mille ans, étaient des êtres humains… semblables à nous !

— Je n’en ai jamais douté, sourit Allan, toi par contre…

Oui… J’ai douté. Il n’y a pas si longtemps ; mais, soudain, il me semble que j’ai une certitude… et l’impression que nous sommes tout à coup très près de la solution.

Allan continue :

— J’ai visité ce vaisseau… J’ai fini par comprendre le fonctionnement d’un grand nombre d’appareils de bord dont le principe de base se rapprochait des nôtres… J’en ai mis d’autres en marche un peu empiriquement…

Un sourire retrousse ses lèvres.

— J’ai fait tonner des canons en déclenchant des manœuvres qui me prenaient de court. C’est ainsi que j’ai fini par mettre en marche un appareil qui retransmettait des images… J’ai vu vivre les anciens occupants du vaisseau et découvert qu’ils se servaient souvent d’un assimilateur de pensées…

— Et il y en avait un sur le vaisseau ?

— Plusieurs dont j’ai compris le fonctionnement. A partir de cette seconde, tout a été plus, facile. Les Ariathes…, car tel était leur nom, tenaient un journal de bord… Ariathe… Ce nom devrait vous dire quelque chose, Lhoa !

— Je le connais… Il s’agit d’une tribu qui s’était ralliée au Sar Gamir… Ce journal de bord ?… Vous avez pu le lire ?

— Oui, le vaisseau portait dans une lointaine colonie la nouvelle de la mort du Sar Gamir… Le Sar qu’on décrivait comme une sorte de potentat à l’échelle galactique. Son empire s’étendait sur cent quatre-vingt-trois galaxies… La nôtre, entre parenthèses… Terre O avait été colonisée par ces Ariathes…

Rien n’a subsisté de leurs installations ?

— La terrasse de Balbek, mais j’y reviendrai…

Il se met à marcher de long en large pendant que Lhoa le fixe d’un regard ardent et extasié. Il se retourne sur moi :

— La capitale de ce monstrueux empire était située au centre de Bolkar. En plein cirque de Pascamayo dont le Sar avait fait son tombeau. Un tombeau titanesque, où personne n’irait jamais le déranger… Sous peine de mort.

— Jamais n’est pas exact, fait Lhoa.

— Peut-être… Moi, je vous parle uniquement de ce que m’a appris le journal de bord de ce vaisseau-fantôme. Le message que le Sar adressait, à ses lointaines colonies comportait diverses dispositions quant à la succession au trône. Il morcelait son empire au profit de sa très nombreuse progéniture et, comme il ne voulait pas de luttes fratricides entre ses descendants, il les privait tous du procédé de translation instantanée qui permettait de joindre en quelques secondes la plus lointaine galaxie à Bolkar et de l’arme absolue qui lui avait permis de bâtir ce fabuleux empire au cours de sa longue existence…

S’arrêtant, il ajoute, plus spécialement pour Lhoa :

— Tout cela exposé en termes ariathes, mais assez clairement pour me permettre de comprendre…

Le visage grave, il s’assied sur l’accoudoir de mon fauteuil et pose la main sur mon épaule :

— Pour le translateur, imagine des couloirs d’énergie. D’une énergie spéciale qui reliait toutes les galaxies et toutes les planètes entre elles et au cirque de Pascamayo… Quelle que soit la distance, un million d’années lumière ou quelques kilomètres, il fallait dix minutes…

— C’est par un couloir de cette nature que Lhoa t’a fait parvenir mon message… Directement du temple de Soldo à celui de Djourma…

— Ils existent donc encore ?

Déjà mon frère envisage de les utiliser dans sa lutte contre les Tolks, mais je le détrompe :

— Il ne s’agit malheureusement plus de couloirs, mais de simples conduits…

Rapidement, je lui expose ce qu’il en est et Lhoa complète mes informations en lui disant tout ce qu’elle sait. Allan va se rasseoir derrière son bureau :

— Le Sar n’a rien négligé… Il a laissé des échantillons de sa puissance, mais il a veillé à ce qu’ils ne soient plus utilisables par ses successeurs… Ces couloirs utilisaient des courbures du temps ou de l’espace… Peut-être les deux…

— Et la source d’énergie ?

— Se trouvait vraisemblablement sur Bolkar… Dans le cirque de Pascamayo.

— De l’énergie… Quelle que soit sa nature, on devrait pouvoir la détecter.

— Pas celle-là…

Un instant, nous restons silencieux, puis Lhoa demande :

— Et l’arme absolue ?… Le journal de bord en parlait aussi ?

— Bien sûr… Elle était basée sur le même principe que le translateur et utilisait la même énergie… L’espèce de tube arrondi que le Sar tient dans ses deux mains, chaque fois qu’on le présente, l’irradiait… Ce n’est pas une arme offensive.

— Qu’est-ce que tu dis ?

— La vérité. Le tube dégage un rayonnement dont le Sar s’entourait complètement. Cela formait un halo lumineux derrière lequel il était invulnérable… Ce halo ouvrait une porte sur les autres dimensions… Tout ce qui entrait en contact avec lui était projeté hors de notre dimension sans espoir de retour.

— Et c’est ce que tu espères retrouver ?

— Oui.

J’ai un sourire ironique.

— En état de marche ?

— Naturellement. Ça existe toujours, Ray… et cela fonctionne toujours.

— Depuis six mille ans ?

— Selon toi, qu’est-ce qui défend les vallées ?

Bien obligé de lui donner raison. Je baisse la tête et il continue d’une voix sourde :

— Le cirque de Pascamayo est sans doute devenu la plus formidable usine souterraine de tous les temps et elle dispose d’une énergie inépuisable…

— Née de l’affrontement de la force d’expansion de plusieurs dimensions, mises brutalement en contact, murmure Lhoa.

— Sans doute… Cette usine reconstitue ses éléments au fur et à mesure de ses besoins… et elle se protège en interdisant que des hommes puissent pénétrer jusqu’à ses centres vitaux.

— Avec des moyens qui nous dépassent… Donc que nous ne pourrons jamais prendre en défaut… Alors que les Tolks…

J’ai un mouvement de dépit et Allan se met à rire.

— Rien n’est jamais absolu… Les Tolks s’imaginent avoir un moyen de neutraliser les défenses des vallées, mais ils ne l’ont pas encore expérimenté… et, en attendant, je suis à peu près persuadé que le secret est là… Sur mon bureau.

— Quoi ?

Du doigt, il me désigne l’équerre de Lhoa.

— Il suffirait d’amplifier les effets de ce guide et je pense que nous aussi nous arrêterions les gardiens dans les vallées interdites… C’est peut-être d’une arme semblable que les Tolks sont partis.

— Comment auraient-ils pu se la procurer ?

— Le vaisseau que j’ai découvert dans l’espace n’a certainement pas été le seul à se perdre… Le mien était équipé de chambres d’hibernation. J’y ai trouvé des corps, mais nous n’avons pu en réanimer aucun… Il y avait aussi des armes et de l’outillage… Les Tolks ont pu faire la même trouvaille… et tirer un meilleur parti de ce que leur vaisseau contenait.

— D’accord… Pour nous et pour les Tolks, mais la solution du problème se trouvait aussi sur Bolkar… Le Sar Gamir a pris des dispositions pour après sa mort… En principe, ça ne signifie généralement pas grand-chose… Les hommes n’ont pas l’habitude de respecter les volontés de leurs souverains défunts…

Lhoa hoche la tête.

— Les siennes l’ont été.

— Par la caste des prêtres… C’est ce que je ne comprends pas. Pourquoi ? Ce n’était pas son intérêt… Lorsque tous ces vaisseaux sont partis pour porter aux quatre coins de l’univers la nouvelle de la mort du Sar, la civilisation était naturellement florissante sur Bolkar… La planète devait comporter des milliards d’habitants…

Avec un sourire, Lhoa murmure :

— A la mort du Sar, Bolkar n’était qu’une immense ville. Le centre de l’univers.

— Ce qu’a été jadis la Rome antique pour Terre O ?

— A peu près, et cette ville démesurée a été brutalement privée de son autorité centrale… Les prêtres ne sont pas intervenus à ce moment-là… Ils ont laissé faire. Des clans se sont formés, des révolutions ont éclaté… Il le fallait… Les habitants ont émigré en masse… La monstrueuse cité s’est fragmentée… C’était indispensable… Pour que quelque chose puisse revivre.

Oui. Cet immense cerveau sans corps ne pouvait subsister et les prêtres, qui se considéraient comme les légitimes héritiers de l’ancien potentat, avaient tout intérêt à laisser les choses aller...

Lhoa continue d’une voix morne :

— Un peu partout, on a commencé à reconquérir la terre sur la ville en démolissant… Ça ne s’est pas fait en un jour… Tout s’est décomposé lentement…

— Trop lentement… Il a fallu d’innombrables générations de prêtres avant que la planète ne soit redevenue normale.

— Oui… On avait cessé de former des techniciens.

Les prêtres sont issus d’une oligarchie de savants…, mais ils ont été les prêtres d’une religion qui ne s’est jamais voulue divine.

— Cette oligarchie, dépositaire de toutes les connaissances, a volontairement laissé s’éteindre le flambeau… En le faisant, elle trahissait l’idéal et la volonté du Sar.

— Ce n’est pas vrai…

Lhoa a crié et, d’une voix furieuse, elle continue :

— Des envahisseurs sont venus… d’innombrables envahisseurs qui n’ont jamais été capables d’asservir une population qui ne se défendait même pas…

— Des envahisseurs qui ne se souciaient pas de Bolkar… Qui venaient tous pour le secret de Pascamayo et qui n’étaient jamais seuls…, car ils venaient toujours de plus loin… Des années lumière séparaient Bolkar des planètes de ses conquérants… On ne peut jamais garder une conquête aussi lointaine quand il faut plusieurs générations pour la relier à la mère patrie… Les envahisseurs qui sont venus espéraient trouver une solution à tous leurs problèmes… et, plus le temps passait, moins il restait à Bolkar de ses splendeurs passées…

Lhoa m’approuve avec une sorte de hauteur victorieuse.

— Les envahisseurs se détruisaient entre eux ou s’assimilaient à nos populations… C’était la volonté du Sar.

— Non… La volonté du Sar que vous aviez transgressée… A sa mort, lorsque Bolkar n’était qu’une ville unique, il fallait en quelque sorte la transmuter. C’était indispensable, car, à partir du moment où elle ne commandait plus à l’univers, elle devenait une abominable anomalie… Le Sar a laissé des instructions précises, mais elles n’englobaient qu’un temps restreint… Celui indispensable pour que Bolkar redevienne une planète… Ce résultat obtenu, les Bolkariens devaient reprendre leur évolution normale et retrouver leur ancienne puissance.

Agitant énergiquement la tête, Lhoa ne veut pas l’admettre :

— Le Sar a dit que le Sauveur devait venir des étoiles.

— Pas le Sar… Vous… Enfin, les innombrables générations de prêtres qui vous ont précédée… Mon frère nous a apporté des faits précis… Il a retrouvé un vaisseau… Un vaisseau qui errait depuis une éternité dans l’espace… Il n’y a rien de miraculeux là-dedans… Dans ce vaisseau, il a appris qu’un conquérant avait jadis régné sur d’innombrables galaxies et que, pour éviter des luttes fratricides entre ses descendants, il les privait de moyens de transports instantanés qui permettaient l’existence de son empire… Tout cela est précis, logique… Je suis persuadé que les Tolks disposent d’éléments de même nature… Vous, par contre vous avez créé une légende et fait appel à la fantasmagorie alors que, tout simplement, il vous aurait suffi d’interpréter les données dont vous disposiez pour retrouver sans difficulté le cirque…

Un peu essoufflé, je m’arrête. Lhoa me regarde avec des yeux légèrement exorbités. J’ajoute :

— A quelques milliers d’années de distance, peu importait au Sar qui se servirait de sa puissance… et, s’il avait voulu qu’elle soit perdue à jamais, il l’aurait détruite…

— Bon sang, tu as raison, fait Allan… La solution se trouve nécessairement dans les temples.

— Dans un, en tout cas… Celui de Djourma, car il est situé juste à l’entrée des vallées interdites.

Nous nous retournons sur Lhoa, mais un formidable grondement lui coupe la parole. Tout le P. C. vacille et les lumières s’éteignent brusquement, pendant que je suis brutalement précipité au sol.

Un tremblement de terre ? J’entends Allan jurer et Lhoa pousser un cri.